![Ndi Umunyarwanda]()
Il ya presque 3 ans, j’ai écrit un article qui a été publié dans le Quotidien The New Times dans lequel j’ai parlé de mon expérience politique depuis 1994.
En tant que diplomate rwandais se trouvant à l’étranger, cette année, j’ai eu la chance de suivre à la télévision rwandaise (RTV) à travers CANAL SAT, le « YOUTH CONNEKT DIALOGUE », un programme initié par la jeunesse et organisé par IMBUTO Fondation et j’ai trouvé cet événement très inspirant pour tous les Rwandais et en particulier les jeunes qui constituent l’espoir et l’avenir du pays.
Il y a quelques jours, j’ai suivi à travers les médias, l’événement de « NDI UMUNYARWANDA » organisé par Unity Club lors de son 6e Forum à Gabiro. J’ai trouvé que les Rwandais, sous l’impulsion de leur leadership, continuent de créer des mécanismes innovants pour construire leur société sur une base solide.
Le concept « Ndi Umunyarwanda » est venu après la clôture des Juridictions Gacaca mis en place en 2005 pour faire face au casse-tête judiciaire des criminels du génocide contre les Tutsi. Il sied de rappeler que la mise en place des juridictions Gacaca est l’une des nombreuses solutions locales, conçues par les Rwandais eux-mêmes afin de résoudre leurs problèmes.
Le Concept « Ndi Umunyarwanda » est clairement différent de Juridictions Gacaca car ces dernières ont été mises en place pour juger plus de 2 millions de crimes de génocide sur une période de 10 ans alors que la justice classique aurait pris plus d’un siècle.
Contrairement aux juridictions Gacaca , « Ndi Umunyarwanda» est venu pour permettre d’avoir une compréhension commune entre les Rwandais à l’égard des politiques divisionnistes ayant culminé en 1994 par l’organisation et l’exécution du génocide contre les Tutsi.
Cette compréhension commune permettra certainement de faire barrage aux mauvaises idées ou perceptions inoculées dans les cœurs des Rwandais par des politiciens égoïstes durant des décennies.
Pour les adultes que nous sommes, «Ndi Umunyarwanda» sert d’outil pour l’examen de conscience objectif des différentes politiques mises en place avant l’indépendance jusqu’en 1994.
Cet examen de conscience est comme une analyse « coût et bénéfices » de l’idéologie ethnique ( Hutu ) », fondement des anciens régimes ayant conduit au génocide contre les Tutsis.
La seule condition pour réussir cette analyse est de parler ouvertement sans aucun tabou étant donné que la majeure partie de nous n’ étions pas des décideurs politiques.
Pour être plus clair, je prends 3 périodes de notre histoire récente : les années 1959, 1973 et 1994.
- En 1959, l’idéologie hutue était mure et pour la première fois, elle fut utilisée comme un atout politique afin d’accéder au pouvoir après avoir massacré des Tusti innocents, poussant les autres à l’exil.
La population utilisée ( Hutu ) n’a tiré aucun bénéfice des atrocités commises . Ils sont plutôt restés pauvres tout en ayant impacté négativement sur la cohésion sociale.
Le mois dernier, quand j’étais à Kigali, j’ai rencontré une dame dans un restaurant, elle était avec son mari, son fils , sa fille et ses petits enfants. Je suis allé à leur rencontre là où ils étaient assis parce que son fils est un de mes amis. La dame qui est aussi la mère de l’ambassadeur rwandais au Kenya m’a dit gentiment que mon défunt père l’a aidée à échapper aux atrocités commises contre les Tutsis en 1960. Cette histoire m’a été très agréable de savoir et je me suis senti si fier de mon père.
- En 1973, j’avais 10 ans quand Juvénal Habyarimana a pris le pouvoir par un coup d’Etat contre Grégoire Kayibanda. Même si j’étais un enfant, j’ai vu des boîtes d’allumettes distribuées par des militaires à la population Hutu afin de brûler les maisons des Tutsis. Les maisons ont été brûlées et les propriétaires et leurs familles ont fui le pays.
Pour moi, cela montre encore une fois combien l’idéologie hutu a été utilisée par Habyarimana et ses alliés dans le but de créer le chaos préalable à son coup d’Etat et prendre le pouvoir sous prétexte que le pays était sur le point de tomber dans le gouffre.
Il est très important de noter que cette idéologie hutu a été enseignée depuis l’école primaire. Je me souviens que chaque année scolaire, l’enseignant devait recenser combien de Hutus, de Tutsis, de Twas étaient dans sa classe en demandant à chaque groupe ethnique de lever la main.
Cet exercice qui se faisait chaque année était très dangereux dans la mesure où son objectif était de susciter la curiosité des élèves afin qu’ils puissent grandir avec un esprit biaisé.
- En 1991 avec l’avènement du multipartisme en Afrique, après le sommet ” France- Afrique ” tenu à La Baule en France, notre pays comme d’autres pays africains a opté pour le multipartisme.
Au début, trois principaux partis de l’opposition ont été créés: MDR , PSD et PL. Pour le parti MDR, ses dirigeants ont abandonné le mot « Parmehutu » mais c’était une stratégique parce qu’ils savaient que la population comprendra que c’est le Parmehutu qui renait de ses cendres.
Heureusement, en 1991 , les 3 partis (d’opposition) ont fait une coalition pour lutter contre le régime de Habyarimana . Un régime qui était discriminatoire, axé sur 2 angles principaux : ethnique et régional.
Lorsque le régime de Habyarimana s’est rendu compte que la coalition était devenue une menace réelle, en plus de la pression du FPR -Inkotanyi sur le plan militaire, l’idéologie hutu est revenu en divisant les 3 partis en faction Hutu constituées d’extrémistes dans chacun d’eux. Cette stratégie de division a joué un grand rôle dans l’exécution du génocide des Tutsis.
En conclusion, les politiciens ont bénéficié de cette idéologie hutu durant des années, mais la population n’a rien eu de bon en les aidant à la mettre en œuvre. Il est très important de s’éloigner de cette idéologie car certains politiciens extrémistes pensent encore que le soi-disant atout Hutu peut encore être utilisé pour arriver au pouvoir.
La seule façon de balayer devant la maison est de discuter ouvertement de cette question sans tergiversation.
En agissant ainsi, les générations à venir hériteront d’un pays uni. C’est pourquoi « Ndi Umunyarwanda » est, pour moi, une thérapie pour les adultes rwandais et une vaccination pour les générations futures.
Laissons-nous être guidés par une vision claire qui vise le bien-être de tous les Rwandais au lieu de l’idéologie ethnique sans espoir.
Amandin Rugira
L’Ambassadeur du Rwanda en RDC